Poésie 20
Fenêtre d'infini, s'ouvrant sur un jardinMiroir d'éternité dont le ciel est le tain
La tristesse a jeté sur mon coeur ses longs voiles
Et depuis j'ai sombré dans la mer des étoiles
Leur visage est funèbre et leur yeux sereins
Comme les horizons vastes des cieux marins
Moi, voué jeune encore à de plus nobles veilles
Moi, qui de la nature observait les merveilles
Jamais aucun sein pacifique n'enfanta ces doux et divins élans
Ni ce désordre sympathique qui soumet le monde à tes chants
Point d'âpres cauchemars ou de rêves épileptiques
Seuls les affres pareils aux ciels des triptyques
Pendant mon sommeil, si ta main de mes jours déliait la trame
J'irais m'éveiller dans ton sein céleste moitié de mon âme
Dites-moi quelle cause éclipse dans leur cours
Le clair flambeau des nuits, l'astre pompeux des jours
On y voit les oeuvres mauvaises écrites en fauves sillons
Et les brûlures des fournaises où bouillent les corruptions
Et pour qui je ferai, si j'aborde à la gloire
Dans l'azur d'un poème offert à sa mémoire
Bien qu'on défende ton approche, sous la draperie aux plis droits
Dont le bout à ton pied s'accroche, mes yeux ont plongé parfois
Dans les plaines, parmi les mers, au cœur des monts
Déliant les nœuds pesants et libérant les chaînons
Les lèvres effleurent sans rien laisser de leur velours
Pourtant je rêve aux baisers qui demeurent toujours
Pourquoi la terre tremble, et pourquoi la mer gronde
Quel pouvoir fait enfler, fait décroître son onde
Sur le bois dolent de carmin et de roux ponctué
J'ai vu cloître ton coeur mort en mon coeur tué
Et vous tombez toujours, mêlant vos agonies
Vous tombez, mariant, pâle, vos harmonies
Allez, braves humains, où le vent vous entraîne
Jouez, en bons bouffons, la comédie humaine
Sans répit fument les tristes cheminées
Dans l'horreur leurs noires traînées
Tu m'as marqué le front de ta lèvre irritée
Sous la tiède pâleur de la lune ensanglantée
Ecoute aussi la voix de mon humble raison
Qui contemple ta gloire et murmure ton nom
Notre crime est d'être et de vouloir connaître
Ignorer et servir, c'est la loi de notre être